Après
avoir expérimenté le concept pour faire des aventures
extraordinaires sous forme de voyages, que ce soit dans le temps (
La Grotte du temps) ou dans l'espace (
En Ballon à travers le Sahara,
Aventures dans l'espace,
Voyage sous les mers,
Ton
nom de code est Jonas) la collection "cyoa" se lance dans le genre
du policier, avec une sorte de Cluedo. Un homme se sent menacé
et vous appelle à l'aide. Que vous alliez ou non au dîner
où il vous a invité, il va mourir. Soit vous
enquêterez sur place, soit vous suivez la piste d'un
mystérieux informateur.
Au niveau de la couverture de
Paul
Granger,
tout est fait pour respecter le "genre Cluedo" : un mort, des
personnages, un enquêteurs qui fume la pipe, un méchant et
des armes du crime potentiels sur la couverture (avec une loupe et un
magnetophone.) Les illustrations intérieures sont du même
dessinateur, elles sont assez jolies et enfantines, on voit par exemple
qu'il s'est amusé à recréer une ambiance de salon
cluedien (page 09 et la page 110). La traductrice s'est amusée
à changer le nom fantaisiste d'Harlowe Thrombley, en Edouard
Balaruc. L'analogie avec Edouard Baladur est sûrement fortuite,
étant donné qu'il était peu connu sur la
scène politique à l'époque de la traduction de ce
livre. (Des amis à moi qui ont vus le livre traîner sur
mon bureau ont d’ailleurs cru lire « Philippe Devilliers à
tué Edouard Baladur ! » )
Bref. Le problème de ce livre, c'est qu'il trahit toute ses
promesses. Je pourrais être clément en disant "oui, mais
c'est un livre pour gosse", ça ne justifie en rien la
déception progressive de ce livre. Car, on écrit pas une
enquête policière de la même façon dont on
écrit un récit de voyage, surtout lorsqu'on est dans un
Livre-jeu, et surtout lorsqu'on a peu de place pour le faire (100
pages/paragraphes.) Or, ici, c'est bourré d'erreur.
Non, pas que ce soit particulièrement linéaire, bien au
contraire. Les cyoas proposent souvent de nombreuses fins à la
fois positives et négatives. (Ici, on a par exemple 6 fins
positives, 5 fins plutôt négatives, 2 morts, et 2
fins....heu… comment dire… ouvertes ? J’en parlerais plus tard)
mais plutôt que l’ensemble est assez incohérent.
Déjà, s’il y a bien un genre qui n’autorise qu’une seule
fin triomphante, c’est bien celui de l’enquête : lorsqu’on a
résolut le meurtre et qu’on dévoile devant tout le monde
l’identité du meurtrier. Or, ici, il y a plusieurs fins ce qui
occasionne le gros du problème.
Après des pages introductrices (1 à 4) où l’on
raconte que vous êtes un enquêteur en culotte courte, vous
êtes (enfin, plutôt « tu » car, dans cette
édition, on vous parle à la deuxième personne du
singulier. Sûrement une singularité du traducteur qui a
pensé qu’un tutoie les enfants et qu’on vouvoie les ados)
contacté par « Edouarc Balaruc » un homme riche qui
a peur de se faire assassiner, et qui vous propose de venir chez lui.
Si vous acceptez vous assistez à sa mort lors de la
soirée qui viens, si vous n’acceptez pas on vous informe de sa
mort au téléphone le lendemain. L’histoire se
sépare en deux à ce moment là, une sortes de
cluedo/Agatha Christie-like où vous interrogez les participants
au repas fatal et cherchez des indices, (les ronds orange sur le
graphique) ou une partie espionnage où vous allez chercher des
infos sur un homme nommé le « fauconnier » (oui, la
traduction est pitoyable) qui aurait cherché à vous
contacter. (Les ronds rouges.) La partie espionnage est rapide, elle a
un lien vraiment tordu avec le meurtre (je ne vais pas vous
gâcher la surprise…) mais les fins se tiennent.
La partie enquête, elle est vraiment sympathique mais frustrante.
On recherche des indices, jusqu’à arriver jusqu’à la page
101 (voir page du graphique) où vous avez le choix entre
continuer de rechercher des indices (auquel cas vous revenez à
la page 101) abandonner (119) ou donner sa conclusion. Si vous
abandonnez (119)… c’est dommage revenez au début. Si vous donnez
vos conclusions… : (122)
« Rentré chez toi, tu composes le numéro de
téléphone du commissaire :
-- Inspecteur (Il est inspecteur ou commissaire ce type ?)
déclares-tu lorsque tu as obtenu la communication avec Galmier,
si vous avez un moment à m’accorder, j’aimerais vous exposer en
détail comment à été commis le meurtre
d’Edouard Balaruc.
Fin. »
Avouez qu’un tel PFA ça valait le coup de se péter la
tête à chercher des indices.
Il existe à partir du paragraphe 101 d’autres façon de
finir le livre, soit en se faisant tuer par les meurtrier (page 112)
soit en allant voir une copine avec laquelle on débale tout
(115) (même si c’est pas à untel ou à untel qu’on
pensait) soit en réunissant tout le monde dans la grande salle
où a été commis le meurtre (107). Là aussi,
il y a une erreur vous êtez prêts à parler, on vous
envoit à la page 110… où ne se trouve PAS la suite (c’est
le paragraphe où le labo vous appelle pour les empreintes.) Non
seulement c’est une coquille énorme, mais en plus je n’ai
absolument pas trouvé de paragraphe raccord avec celui là
(A moins qu’on considère l’illustration en deux pages qui se
trouve après comme une fin en soit ?)
A l’impossibilité de découvrir de façon «
normale » les meurtriers, s’ajoute l’énervement de
réussir de façon accidentelle. Au cours de votre
pérégrination, vous avez des passages où suite
à des hasards du scénario (parce que vous êtes
passé voir Nadine, parce que vous avez eu une fausse preuve,
parce que vous êtes resté sagement sur votre siège
après qu’on vous ai menacé) l’affaire est
dévoilé et vous avez réussi sans rien faire. L’un
des meilleur paragraphe, restant le 122 où vous dévoilez
un enregistrement fait la nuit du meurtre (paragraphe qui est quand
même accessible même si vous N’AVEZ PAS passé la
nuit chez Balaruc !! Hallucinant !) (Refaites le parcours
vous-même sur le graphique, vous verrez !) Je me souviens
que l’ayant fait lorsque j’étais petit, j’étais
persuadé que c’était en réalité un
paragraphe où l’on échouait.
C’est d’autant plus dommage qu’en relisant ce livre, je me suis rendu
compte que ce petit univers est finalement assez cohérant : en
peu de mot, Edward Packard réussit à donner une certaine
forme de psychologie à ses différents personnages, et la
réutilisation des clichés des histoires d’enquête
était relativement bien vu : poison, indices, vérandas,
personnages amicaux, fausses pistes, aides, commissaire
incompétent, etc….
Bref, c’est la première tentative d’appliquer le petit monde du
polar au genre hypertextuel. C’est manifestement loupé, avec des
erreurs de cohérence qu’un gosse de 10 ans est capable de voir….
A moins que ces erreurs viennent de l’édition française
(ça ne m’étonnerait pas.) Dans ce cas, c’est une autre
histoire.
par Mad Dog