Bref, ce sont des livres
auxquels il est possible de jouer sans même un papier et un
crayon, à condition de faire preuve d'un peu de mémoire !
Le Collier Maléfique est de
Dave
Morris, comme
Le Pirate des sept mers
Pour résumer brièvement le principe de l'histoire :
Vous êtes Etoile du Soir, un jeune homme issu d'un clan maya.
Votre frère, Etoile du Matin, a été envoyé
en ambassadeur auprès d'une cité distante. Mais des
nouvelles arrivent, rapportant que la cité en question a
été détruite et qu'Etoile du Matin a disparu en
allant confronter le présumé responsable, le sorcier
Collier de Crânes, qui vit dans une cité
mystérieuse au milieu du désert. Vous décidez de
partir à votre tour pour sauver votre frère ou, si ce
n'est plus possible, le venger.
Cadre et atmosphère :
Le Collier Maléfique se situe donc dans le monde
précolombien, ce qui en fait déjà une
rareté ! Aztèques, Mayas et Incas sont très
rarement utilisés dans les livre-jeux. Les seuls exemples qui me
viennent à l'esprit sont
Sacrifice chez
aztèques (le moins pire des Défis de l'Histoire) et
un passage d'un des livres de la série
Falcon/L'Epervier
(le livre en question n'a pas été traduit en
français).
Cela entraîne des avantages et des inconvénients.
L'avantage est bien sûr celui de l'originalité.
L'inconvénient est qu'il est plus difficile pour le lecteur
occidental moyen de s'imaginer dans la peau d'un noble maya que d'un
aventurier classique, d'un chevalier ou même d'un samouraï
japonais.
C'est là qu'intervient le problème le plus notable du
livre : le manque d'illustrations. Il n'y a en tout et pour tout que
six illustrations, plus cinq qui font la moitié de la taille
normale. C'est trop peu, surtout pour un livre où un support
visuel conséquent aurait été appréciable.
Dave Morris fait de son mieux avec
les
descriptions des cités mayas, mais on peut éprouver
parfois une certaine insatisfaction.
A quel point retrouve-t'on des éléments de l'histoire et
de la mythologie maya dans l'histoire ? Je ne suis pas suffisamment
expert pour le dire. J'ai retrouvé un certain nombre de
détails que je connaissais au sujet des peuples
précolombiens, mais je ne sais pas quelle part a
été laissée à la seule imagination de
l'auteur.
Style :
Vraiment aucun souci à faire de ce côté-là.
Au contraire, même ! Le style très agréable de
Dave Morris est nettement un plus.
Il est
sans aucun doute l'un des auteurs de livre-jeux qui écrivent le
mieux. Son style rend vivants notre personnage et les individus et
créatures qu'il rencontre et donne de l'intensité aux
diverses péripéties de l'aventure.
Déroulement de l'aventure :
Le Collier Maléfique est un livre appréciable pour son
côté extrêmement non-linéaire. Bien que le
livre fasse 437 paragraphes (généralement de bonne taille
!), cette longueur se voit davantage sur le nombre de choix offerts que
sur la durée même de l'aventure (qui ne dépasse pas
la moyenne).
Pendant l'essentiel de l'aventure (le voyage de votre cité
jusqu'à celle où vit le sorcier), des itinéraires
multiples et très différents s'offrent à vous. Ce
n'est que vers la fin (arrivé à la cité du
sorcier) que l'aventure devient plus linéaire, tout en
continuant à vous offrir beaucoup de possibilités de
choix.
Cette non-linéarité rend beaucoup moins ennuyeux le fait
de rejouer au livre. Il suffit de faire quelques choix
différents (ce qui est possible dès le début) pour
vivre une aventure essentiellement différente.
A noter que la "confrontation finale" de l'aventure est des plus
originales.
Difficulté :
Il existe deux fins différentes, l'une préférable
à l'autre. Même le fait d'atteindre la fin "mineure" n'est
pas aisé et il m'a fallu plusieurs tentatives pour trouver le
moyen d'économiser suffisamment de Points de Vie pour y parvenir.
La fin "idéale" est nettement plus difficile, même si
plusieurs itinéraires permettent d'y parvenir (pas de One True
Path... et c'est tant mieux !). Elle nécessite (entre autres) de
faire le bon choix à un moment précis et ce n'est pas si
évident.
Compétences :
Il n'y a pas de compétences indispensables, ni de
compétences inutiles, contrairement à ce qui était
le cas dans Le peuple maudit de
Mark
Smith,
où Sortilèges était l'arme suprême tandis
que trois ou quatre compétences ne servaient virtuellement
à rien.
Ca ne signifie pas que les compétences ont toutes la même
utilité. A l'issue de toutes mes tentatives, j'aurais tendance
à dire que la combinaison
Agilité/Astuce/Survie/Sortilèges est la plus efficace. En
réalité, l'utilité des compétences
dépend beaucoup de l'itinéraire choisi. Connaissance de
la Mythologie peut se révéler cruciale pour certains
parcours et médiocrement utile pour d'autres.
Par ailleurs, il ne faut pas exagérer l'importance des
compétences. Elle ne passent qu'après vos choix pour
déterminer le cours de l'aventure.
A noter quelques modifications par rapport à l'habitude de la
série. La compétence Loi des Rues a été
remplacée par Etiquette (qui est importante pour un
itinéraire en particulier). La compétence Tir existe
toujours, mais vous utilisez une sarbacane plutôt qu'un pistolet
(ce qui signifie notamment que ça ne vous sert à rien au
corps à corps).
Détails :
- Contrairement aux autres livres Destins, qui se déroulent dans
des univers inventés, bien que très fortement
inspirés de l'histoire et de la mythologie du monde réel,
Le Collier Maléfique se déroule vraiment dans le monde
réel (assaisonné à la sauce fantastique, bien
sûr) puisqu'il est dit explicitement que vous êtes un Maya.
L'auteur a sans doute considéré que les peuples
précolombiens sont suffisamment mal connus pour que cela ne
justifie pas, en plus, de décaler ça dans un monde
imaginaire.
- Le système des objets est un peu agaçant. Vous ne
pouvez en transporter que huit, quelle que soit leur taille... et vous
verrez rapidement que ce n'est pas beaucoup ! Considérant que
certaines compétences (Escrime, Tir, Sortilèges et
Protection Magique) nécessitent un objet particulier pour
fonctionner et qu'il y a un certain nombre d'objets - parfois
essentiels - qu'on peut obtenir dès le début de
l'aventure, le nombre aurait au moins dû être dix ou douze.
Verdict :
J'ai beaucoup aimé ce livre. La grande liberté qu'il
laisse et son style très vivant rendent facile et
agréable le fait de s'y immerger. Les possibilités
offertes et les combinaisons de compétences sont si nombreuses
qu'il est possible de rejouer de nombreuses fois sans éprouver
d'ennui ni de sentiment de répétition. La
difficulté conséquente ne signifie pas pour autant qu'il
existe de "mauvais chemins", sur lesquels le fait de s'engager
signifierait nécessairement l'échec. On peut regretter le
faible nombre d'illustrations, qui rendent plus malaisé le fait
d'imaginer le monde précolombien.
par Outremer